Énoncer l’intériorité sans livrer l’intimité
L’âge de la Photographie correspond précisément à l’irruption du privé dans le public, ou plutôt à la création d’une nouvelle valeur sociale, qui est la publicité du privé [...]. Mais comme le privé n’est pas seulement un bien [...], comme il est aussi et au-delà, le lieu absolument précieux, inaliénable, où mon image est libre (libre de s’abolir), comme il est la condition d’une intériorité dont je crois qu’elle se confond avec ma vérité, ou, si l’on préfère, avec l’Intraitable dont je suis fait, j’en viens à reconstituer, par une résistance nécessaire, la division du public et du privé : je veux énoncer l’intériorité sans livrer l’intimité. [...] D’un côté, la nonchalance, le glissement, le bruit, l’inessentiel (même si j’en suis abusivement assourdi) ; de l’autre, le brûlant, le blessé.
Roland Barthes, La chambre claire, chapitre 40
Publié le 7 janvier 2017