Un contact saisissant
En 1955, dans L’Espace littéraire, Blanchot place l’écriture littéraire sous le signe de la fascination provoquée par l’image. La fascination est ainsi opposée à la maîtrise traditionnellement attribuée à la vue : voir suppose une distance qui évite le contact et la confusion, qui permet la rencontre et la maîtrise de l’objet ; la fascination relève au contraire du domaine d’un voir qui ne saurait plus se soustraire à un contact saisissant, où ce qui est vu s’impose au regard. D’après une conception courante, l’image viendrait après l’objet qu’elle re-présente, dans un après qui suppose une subordination ontologique en même temps qu’un rapport chronologique, tout comme le langage poétique ou littéraire viendrait après le langage quotidien destiné à la « communication » et à la transmission de messages. Le questionnement de l’image littéraire conduit Blanchot à une réflexion plus vaste sur le statut théorique de l’image, qui vise à mettre radicalement en question justement l’après qui semble marquer son destin philosophique. Le déplacement de la notion d’image, requis par une réflexion sur l’expérience littéraire, aboutit au concept d’une image caractérisée par sa capacité à introduire l’absence au sein de la présence et par une ambiguïté fondamentale.
Entre Blanchot et Derrida, De l’image spectrale aux cimetières virtuels par Manola Antonioli Revue Chimères, 2008/1 (n° 66-67)
Publié le 30 avril 2017