Qui forcera l’antre de l’âme saura pourquoi
Elle avait dit au revoir, comme d’habitude et même secoué la main derrière la vitre du train. Mais elle savait déjà qu’elle ne le reverrait pas. Il avait ensuite écrit tous les jours, pendant plus d’un mois - des lettres d’abord pleines d’étonnement, puis de colère, puis de raison, de douceur, de plaintes, de menaces, d’ironie, d’amertume, de rage, de supplication. Elle ne les déchirait pas : elle les lisait. D’abord dans les sanglots des regrets et du désir : mais elle mesurait ainsi sa propre force et sa fermeté. À la fin, elle cessa de les lire : fatigue et indifférence. Vaccinée, pensait-elle avec un peu d’orgueil.
Les animaux dénaturés, Vercors
Publié le 22 octobre 2018