Poncif érotique
Les hommes ne sont pas habitués à réfléchir sur eux-mêmes, parce que le patriarcat suppose que le masculin est une norme universelle. Notre chantier consiste à réinventer le masculin. Les rarissimes hommes féministes, tels Condorcet, Charles Fourier, John Stuart Mill, Jin Tianhe ou Tahar Haddad, ont préconisé une « mise à niveau » des femmes en termes de droits, mais ils n’ont jamais envisagé de changer le masculin, c’est-à-dire leur propre culture. Ce défi n’a été formulé qu’au XXe siècle, par des femmes féministes. Il faut donc non seulement repenser le masculin, mais aussi réfléchir à la place que les hommes (notamment blancs et hétéros) peuvent occuper dans les luttes féministes. Intellectuellement et politiquement, un homme peut évidemment être féministe.
Personne ne conteste que des millions de pères, frères, conjoints sont des hommes sympathiques et non violents. La question n’est pas là. En revanche, on peut attendre des hommes qu’ils se sentent comptables des injustices dont ils tirent directement ou indirectement profit. C’est en ce sens que le masculin est devenu un problème : problème dans les violences, mais aussi dans les privilèges, dans la répartition des droits, dans l’omniprésence symbolique et, enfin, problème dans le déni de tous ces problèmes.
Ivan Jablonka
Dictatoriale
Publié le 8 avril 2019