Pensées déterministes
Au constat de ces responsabilités institutionnelles s’ajoutent des responsabilités intellectuelles qui, cumulées, font système et témoignent d’une défaite de la pensée. Ce degré de responsabilité intellectuelle interroge sur un dernier ensemble de responsabilités, éthique, cognitive et morale.
La responsabilité éthique est posée lorsque la vérité des faits est repoussée au profit de constructions idéologiques, lorsque des pensées critiques qui tentent de s’y opposer sont combattues, lorsque l’action se sépare de la pensée et se nourrit de sa propre logique de pouvoir, lorsque des autorités disposant d’un pouvoir d’action réelle renoncent à modifier le cours des événements. Les responsabilités éthiques concernant l’action politique mettent gravement en question des décisions au plus haut niveau qui ont méconnu les événements, y compris quand toute l’information était disponible. Les responsabilités éthiques renvoient également à la dimension professionnelle, quand des acteurs publics approfondissent la signification du service de l’Etat et en conçoivent des devoirs supérieurs à la seule technicité de la charge.
La responsabilité morale se porte vers la volonté des personnes et des sociétés de penser et d’agir selon les fins de l’humanité.
Dans cette faillite d’une histoire française émergent des individualités politiques et administratives, civiles et militaires, qui ont fait honneur au service de l’Etat, à la République, à l’éthique. Elles ont défendu la lucidité dans l’action, maintenu la liberté dans la pensée, et espéré la venue d’un temps de nécessaire examen critique du passé. Elles ont permis que des institutions tiennent dans la tempête.
Affronter le passé en acceptant les faits de vérité qu’il transmet est la seule voie pour se libérer des traumatismes et des blessures. Les enseignements de l’histoire ne doivent pas être combattus, ils permettent au contraire la paix et le souvenir, ils redonnent de l’honneur et de la dignité quand vient ce temps de la conscience, de la connaissance de toute la réalité du monde.
Le Monde, 28/03/2021 à propos du génocide rwandais
Publié le 24 octobre 2017