La continuité vide, mais attentive, de la conscience
C’est la continuité de la nature sans doute qui donne à la mémoire l’occasion de d’exercer, lorsqu’une représentation, par quelque identité confuse et mal perçue, en rappelle une autre et permet d’appliquer à toutes deux le signe arbitraire d’un nom commun. Ce qui dans l’imagination se donnait comme une similitude aveugle n’était que la trace irréfléchie et brouillée de la grande trame ininterrompue des identités et des différences. L’imagination [...] forme sans qu’on le sache, le lieu ambigu où la continuité ruinée, mais insistante, de la nature rejoint la continuité vide, mais attentive, de la conscience. [...]
Les choses et les mots sont très rigoureusement entrecroisés : la nature ne se donne qu’à travers la grille des dénominations, et elle qui sans de tels noms resterait muette et invisible, scintille au loin derrière eux, continûment présente au-delà de ce quadrillage qui l’offre pourtant au savoir et ne la rend visible que toute traversée de langage.
Michel Foucault, Les mots et les choses, 5,7
Publié le 3 septembre 2017