L’insomnie prépare mieux aux rêves qu’à l’éveil
Plongée dans l’écume de cette nuit. Il doit être quatre heures. Peletonnée, elle respire, tournée vers moi. Son souffle frôle mon avant-bras. Souffle violet, à la tranquille persévérance. L’insomnie a ceci de commun avec le sommeil qu’elle efface les frontières : plus de dedans, plus de dehors. Plus de lieux même : tous les lieux possibles. Plus d’idées. Plus d’organisation de la pensée. Divagation des chiens du rêve à portée de fusil de la raison. Mais le coup ne part pas. Nous dormons finalement, l’un près de l’autre.
Le souffle s’est déplacé. Il touche, fluide, le bout de mes doigts. Je me demande si j’ai mérité ce plaisir paisible, qui semble devoir durer toujours. Je n’éprouve même pas l’inquiétude que cette question éveillerait en moi si j’avais les yeux ouverts. P. dort et respire dans sa nuit, une nuit plus large ou la mienne est incluse. En a-t-elle conscience ?
La nuit va finir. Les pensées mortifères s’effacent, comme d’habitude, difficilement. Dans le branle-bas de mes agitations nocturnes, une voix finit par me dire quelque chose. Évidemment, je n’y comprends rien, et le bouillonnement incontrôlable reprend le dessus. J’ai la conviction que je suis fou, que je ne suis rien, ni personne, ni grand-chose, et peu désireux de devenir quelque chose, quelqu’un ou grand-chose. Ces certitudes déprimantes me donnent sans doute un visage d’assassin. Un visage d’assassin peut n’être que celui de l’homme qui dort mal.
Vallet de nuit, Michel Host
Divan de commissaire
Publié le 10 février 2017
Au fil de l’eau / Berry 🌍🇫🇷 / France 🇫🇷 / Musée Bertrand Châteauroux 🇫🇷 / Scène