Exister à la surface
Si vous pensez que vous sauriez faire atterrir un avion en cas d’urgence alors que vous n’êtes pas pilote, vous avez une forte confiance en vous. Et vous êtes sans doute un homme. Qui n’a jamais rencontré un homme se prenant pour expert d’un sujet dont il n’a que peu de connaissances ? Cette confiance excessive a fait l’objet de plusieurs études en psychologie sociale depuis les années 1990. Elle a même un nom : l’effet Dunning-Kruger, d’après les deux scientifiques qui ont découvert ce mécanisme cognitif. A l’opposé du syndrome de l’imposteur, l’effet Dunning-Kruger peut être défini comme la tendance qu’ont les personnes incompétentes, peu importe leur genre, à surestimer leurs propres capacités. Et, à l’inverse, celle des personnes compétentes à les minimiser.
Cette différence tient à la place que les hommes sont censés occuper dans la société : « un ensemble de rôles d’assertivité, de compétence et de maîtrise », « la raison », par opposition à « l’émotion » associée aux femmes. Des stéréotypes qui entraînent la gent masculine vers des domaines où l’on « attend » des hommes compétents, « de direction, leadership, maîtrise technologique ou scientifique ».
Les inégalités de confiance en soi surviennent également face à des réussites effectives. Les hommes vont davantage attribuer leur succès à leurs propres qualités ou compétences, tandis que les femmes auront tendance à évoquer la chance ou des circonstances favorables. Cette différence d’attribution nourrit des écarts de confiance : se percevoir comme la cause principale de ses réussites permet d’entrer plus facilement dans des situations avec assurance. Un discours plus modeste entretient en revanche le doute et un syndrome de l’imposteur.
Dans des situations plus banales, cela pousse à affirmer que l’on sait faire atterrir un avion.
Le Monde
Publié le 27 août 2024
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