Ca-a-été
S’appelle « référent photographique », non pas la chose facultativement réelle à quoi renvoie une image ou un signe, mais la chose nécessairement réelle qui a été placée devant l’objectif, faute de quoi il n’y aurait pas de photographie. La peinture, elle, peut feindre la réalité sans l’avoir vue. Le discours combine des signes qui ont certes des références, mais ces référents peuvent être et sont le plus souvent des « chimères ». Au contraire de ces imitations, dans la Photographie, je ne puis jamais nier que la chose a été là. Il y a double position conjointe : de réalité et de passé. [...] cette contrainte est, par réduction, l’essence même, le noème, de la Photographie. [...] « Ca-a-été » [...] s’est trouvé là, dans ce lieu qui s’étend entre l’infini et l’operator [...] il a été là, et cependant tout de suite séparé ; il a été absolument, irrécusablement présent, et cependant déjà différé. [...] dans le déferlement quotidien des photos [...] le noème soit, non pas refoulé, mais vécu avec indifférence, comme un trait qui va de soi.
Roland Barthes, La chambre claire, chapitre 32
Publié le 19 novembre 2016