Ève Lomé

Journal extime

À l’échelle du monde

À l'échelle du monde

« Notre société n’aime pas les vieux. » Il y a en France, notamment chez ceux qui nous dirigent, un âgisme conscient et inconscient. Notre société est rivée sur des valeurs jeunistes, d’activités, de rentabilité, de performances, d’effectivité. A cela s’ajoute une focalisation accrue sur l’apparence physique. Par ailleurs, dans une société gouvernée par les rapports de pouvoir, les personnes âgées constituent une anomalie, elles n’ont plus rien à prouver.

Cet âge renvoie à une dimension de la vie qui fait peur. Il y a donc un déni du vieillissement, comme il y a un déni de la mort. Cette dynamique engendre une cécité sur toute une partie de la trajectoire d’une vie humaine.

Nous pourrions parler de la vieillesse autrement, en évoquant des valeurs positives de transmission, d’intériorité, d’apaisement. Dans certains pays asiatiques, la vieillesse est davantage perçue comme une sagesse, quelque chose de lumineux. Nous avons besoin de modèles heureux et féconds de personnes qui vieillissent.

Pour contrecarrer l’âgisme de notre société, nous devons pouvoir avoir accès à cet univers, à ces images positives de la vieillesse. Notre société a une responsabilité à rétablir une image plus juste du vieillissement. Une société ne peut pas être dans un lien intergénérationnel harmonieux si elle ne prend pas soin de ses personnes âgées.

L’immobilisme politique aboutit à des inégalités profondes, avec des vieux qui ont les moyens de prendre en charge leur vieillissement et les autres, qui encourent des situations de maltraitance. En ne faisant rien, nous alimentons une société où l’on vieillit à deux vitesses.

Interview de l’écrivaine et psychanalyste Marie de Hennezel pour Le Monde 02/02/2022

Publié le 2 février 2022

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