Fondation Boghossian - Villa Empain 🇧🇪
C’est dans cette merveille Art déco restaurée que la Fondation Boghossian a installé un centre d’art. Un lieu dont cette dynastie de diamantaires d’origine arménienne longtemps établie au Liban souhaite faire un pont entre Orient et Occident. Et un refuge pour les artistes du monde arabe. A la Villa Empain, on évoque les cultures arménienne, turque, grecque, kurde, arabe… Dans ce décor bruxellois Art déco, on regarde toujours vers Beyrouth, Bagdad, Damas, Le Caire, le passé de ces villes et ce qu’il en reste… Une petite Villa Médicis orientale en terre d’Europe.
Dans le quartier chic et un peu austère de Solbosch, au sud-est de Bruxelles, où les villas cossues et discrètes se tiennent comme de gros chats assoupis le long des avenues désertes, une seule enseigne au tube néon fluorescent perce la brume. « Art is the answer », assure le message au fronton de la Villa Empain. L’art est la réponse, mais à quoi ? Au chagrin du crachin bruxellois...
A Bruxelles, la Villa Empain est un repaire dans le petit monde de l’art contemporain. Y sont organisés des conférences, des visites scolaires, des concerts. Des soirées avec DJ accueillent un public a priori peu habitué à ce quartier d’ambassades. Les étudiants de l’école d’art voisine, La Cambre, y passent parfois une tête. Les moins de 25 ans constituent un quart des entrées. Les Flamands, grands consommateurs d’art contemporain, représentent un visiteur sur trois – bien plus que dans les autres institutions francophones. Ce n’est pas la moindre fierté de ce lieu dédié au dialogue Orient-Occident que de contribuer un peu à réduire les préjugés communautaires en Belgique.
La Villa Empain est aujourd’hui le siège de la Fondation Boghossian, une institution caritative et artistique créée et dirigée par deux frères libanais d’origine arménienne, Jean et Albert Boghossian, fils d’une famille qui a fait fortune dans le diamant. Alors, par où commencer : l’histoire des Boghossian ou celle des Empain, le génocide arménien, la tragédie libanaise ou l’histoire belge ?
Débutons en 1915 : la famille Boghossian, qui vit et travaille déjà dans la joaillerie à Mardin, dans le sud-est de l’actuelle Turquie, est décimée comme des centaines de milliers d’Arméniens et d’autres chrétiens, accusés de traîtrise par les autorités ottomanes en pleine première guerre mondiale. Tous les membres de la famille Boghossian disparaissent, sauf un, Ohannes, 15 ans, qui réussit à échapper aux « marches de la mort » en soudoyant un garde avec une pièce d’or. A Alep, dans la Syrie sous mandat français, il trouve un refuge, relance la tradition familiale et fonde une famille. Parmi ses neuf enfants, Robert choisit lui aussi la joaillerie. Mais, à partir de 1961, les nationalisations et le tournant socialiste pris par le régime syrien poussent les Boghossian vers Beyrouth. Le Liban des années 1960 est un éden qui s’ignore, parfait mélange de l’Orient et de l’Occident. Les Arméniens y sont comme des poissons dans l’eau.